Découvrez les premières images d'un trou noir

Après un an de calculs, l'EHT a fourni des images de trou(s) noir(s) proche(s) de notre galaxie.

Rédaction et So.De.

A quoi ressemble un trou noir? Nous avons désormais la réponse. Des astronomes du monde entier, réunis sous le projet Event Horizon Telescope ont dévoilé mercredi le résultat d’une observation croisée visant à capturer l’image d’un trou noir, une première dans l’histoire de l’astronomie."C'est une avancée énorme pour l'humanité", a annoncé Carlos Moedas, commissaire européen chargé de la Recherche, qui présidait à Bruxelles l'une des six conférences de presse tenues à travers le monde, simultanément. "Voici la première image d'un trou noir. Vous avez sans doute vu jusqu'ici beaucoup d'images de simulations de trous noirs. Mais ici, c'est enfin vrai", a présenté fièrement Heino Falcke, l'un des scientifiques responsable de la découverte, dévoilant l'image de ce qu'il décrit comme un "anneau de feu." Un anneau flou, mais ce n'est pas étonnant. “A cette énorme distance où se trouve M87, c’est comme observer un grain de moutarde à Washington depuis Bruxelles."

Première image de l’ombre d’un trou noir : le trou noir supermassif du centre de la galaxie M87, observé par le réseau EHT.
Première image de l’ombre d’un trou noir : le trou noir supermassif du centre de la galaxie M87, observé par le réseau EHT. © The EHT collaboration

L’image dévoilée montre en fait la "silhouette" du trou noir : un disque noir, avec autour de celui-ci un halo de lumière asymétrique. Massifs, gloutons, surpuissants : "les trous noirs sont plus étranges que ce que peuvent imaginer les auteurs de science-fiction, mais ce sont des réalités scientifiques", a souligné Carlos Moedas. Les trous noirs sont des objets qui n’émettent pas de lumière, mais ils agissent comme des “lentilles gravitationnelles”, c’est-à-dire qu’ils vont dévier les rayons lumineux quand ils passent proches de leur corps - ce qu’on appelle l’horizon du trou noir. En gros, un trou noir “absorbe” la la matière qui arrive à son horizon; mais si elle passe à côté, elle est déviée. Concrètement, sous l’effet de l’énorme attraction gravitationnelle d’un trou noir, les étoiles trop proches sont aplaties, étirées puis disloquées, le gaz porté à des chaleurs extrêmes. Gaz et morceaux d’étoiles tournent en spirale autour du trou noir pour finalement y plonger, en générant un sursaut brillant de lumière ultra-violette.

Halo de lumière

“La lumière du halo sur l’image vient de gaz et de matière proches du trou noir qui s’échauffent en étant accélérés par la gravitation du trou noir, détaille le physicien belge Geoffrey Compère. La lumière la plus intense a un spectre radio à haute fréquence, c’est cette lumière qui est observée par les télescopes. A cause du trou noir, cette lumière a une forme caractéristique: la silhouette du trou noir, noire au milieu, et avec un halo de lumière autour avec une asymétrie due à la rotation du trou noir et celle de son disque d’accrétion (matière en orbite). Cette rotation induit un effet d’entraînement des rayons lumineux dans le sens de la rotation, ce qui crée cette asymétrie”.

Les trous noirs ont été théorisés, modélisés, détectés mais jamais observés directement dans le spectre de la lumière. Selon la loi de la relativité générale publiée en 1915 par Albert Einstein, qui théorise leur fonctionnement, l’attraction gravitationnelle exercée par ces monstres est telle que rien ne peut s’en échapper, ni la matière, ni la lumière, quelle que soit la longueur d’onde. Résultat: ils sont invisibles. Pour contourner ce handicap de taille, les astronomes cherchent à observer le monstre par contraste, sur la matière qui l’entoure. Autre particularité : un trou noir est un objet céleste qui possède une masse extrêmement importante dans un volume très petit. C’est un peu comme si la Terre était comprimée dans un dé à coudre. Pour voir des objets si petits, il faut un télescope de grandes dimensions.

Ours en hibernation ou bambin excité ?

En avril 2017, huit télescopes répartis à travers le monde avaient ciblé simultanément deux trous noirs avec un objectif: tenter d’en obtenir une image. Depuis deux ans, la communauté scientifique attendait le résultat. “Une photo, c’est la preuve définitive de l’existence des trous noirs”, s’enthousiasme Jean-Pierre Luminet, astrophysicien au CNRS français, auteur de la première simulation numérique d’un trou noir en 1979. “Même dans la communauté scientifique, il y a encore pas mal de résistance”, ajoute le scientifique qui voulait déjà à l’époque “donner à voir le trou noir”.

En combinant huit télescopes répartis sur le globe, l’EHT est parvenu à créer un télescope virtuel d’environ 10 000 km de diamètre, proche de la taille de la terre. Avec notamment le télescope de 30 mètres de l’IRAM en Europe, le puissant radiotélescope ALMA construit au Chili (cogéré par l’Europe, les États-Unis et le Japon) mais aussi des structures aux États-Unis, à Hawaï et en Antarctique, l’Event Horizon Telescope couvre une large partie du globe. Plus un télescope est grand, plus il permet de voir de détails.

Et les astronomes ont retenu deux cibles: les deux trous noirs, qui vus de la Terre, sont les plus gros. L’un, Sagittarius A* est blotti au centre de la Voie Lactée, à 26.000 années-lumière de la Terre. Sa masse est équivalente à 4,1 millions de fois celle du Soleil. Son rayon équivaut à un dixième de la distance entre la Terre et le Soleil. L’autre est l’un des trous noirs les plus massifs, 1.500 fois plus que Sagittarius A*. Il n’a pas de nom et est situé à 50 millions d’années-lumière de la Terre, au cœur de la galaxie M87. Il est bien plus gros que Sagittarius A* mais bien plus loin de nous.

Mais en voyant les tout premiers résultats, ils ont décidé de se focaliser sur le trou noir de M87, explique Heino Falcke. "On savait que les résultats seraient extraordinaires. Le problème était que Sagittarius est mille fois plus petit mais mille fois plus proche donc on avait la même silhouette que celui de M 87, mais il tourne mille fois plus vite. Prendre une image de cette source, c'était comme prendre une photo d'un bambin, qui n'arrête pas de bouger partout pendant 8 heures. Essayez d'avoir une image stable ! Tandis que le trou noir de M87, c'était comme prendre un image d'un ours, un ours en train d'hiberner, mille fois plus lent. Il bougeait peu pendant ces huit heures. C'était beaucoup plus facile. Nous avons eu beaucoup de chances, qu'il soit si grand. Il aurait pu être plus petit, on ne le savait pas avant. Une fois que l'on a vu cela, on a décidé de se focaliser dessus. On prend à présent un peu plus de temps pour étudier Sagittarius."

"Vous vous demandez peut-être comment cette image a été construite, enchaîne pour sa part sa collègue Monica Moscibrodzka. En fait, les données fournies par l''EHT sont comme un puzzle incomplet, on ne voit en fait que des parties de l'image et on doit boucher les trous pour reconstituer l'image physiquement possible qui correspond à nos données. C'est un processus complexe. On le fait d'abord tout seul, puis en équipe, pour éviter les biais humains."

Par leurs observations, les astronomes cherchaient à identifier l’environnement immédiat d’un trou noir. Selon la théorie, quand la matière est absorbée par le monstre, elle émet une lumière. Le projet EHT, capable de capter les ondes millimétriques émises par l’environnement du trou noir, a pour but de définir le pourtour de l’objet céleste. Les scientifiques du projet se sont aussi réjouis que la théorie de la gravitation d'Einstein, qui prédisait l'existence de trous noirs, "passait complètement" ce test important que constituaient ces observations. Les scientifiques attendent à présent un télescope plus large que la terre - ce qui peut uniquement être fait avec des télescopes lancés dans l'espace - afin d'améliorer la résolution des images prises de trous noirs.

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