"Quitter ‘Dix pour cent’, c’est comme quitter un homme qu’on a aimé"
- Publié le 14-11-2018 à 08h35
- Mis à jour le 14-11-2018 à 12h18
La scénariste Fanny Herrero vient de boucler sa dernière saison à la tête de la série. À voir sur France 2, à 21 h.Avant de voler vers de nouvelles aventures, la scénariste Fanny Herrero a accompagné, pour une troisième saison, Dix pour cent H H H, son bébé. Cette série addictive et glamour évoluant dans le milieu des agents de stars parisiens lui a permis d’exprimer un point de vue décalé sur ce travail, mais aussi sur les relations amoureuses, la féminité ou la famille.
Quelle couleur avez-vous imprimé à cette saison 3 ?
Nous sommes dans la continuité de cette série qui a une logique, des personnages et histoires bien lancées. Nous avons opté pour ce mélange de comédie et de drame. On peut parler de "dramédie".
C’est l’humour qui sauve de l’amertume ?
Le rire qui m’intéresse est un refuge, une soupape et permet d’avoir une vision du monde plus ouverte. Le rire est d’autant meilleur qu’il arrive sur un fond de gravité émotionnellement juste. Avec les auteurs, on commence toujours par poser les lignes dramatiques, un enjeu pour chacun. Ensuite, on fait l’effort de le raconter avec cette touche d’inventivité, de fantaisie, de loufoquerie, qui permet de décoller du réel et de créer le plaisir.
La grossesse d’Andréa, incarnée par Camille Cottin, permet aussi de poser un regard décalé.
Dans cette saison, on parle de la famille symbolique qui est celle de l’agence, mais aussi de celle qui se compose sous nos yeux, qui se cherche. Il y avait aussi la question de la grossesse. Andréa est mon exutoire, mon double un peu sauvage, qui me permet de déverser des choses qui me taraudent. C’était important de montrer les dilemmes dans lesquels elle se trouve, et les émotions ambiguës qui vont avec l’enfantement. Par ailleurs, on avait envie de revenir dans le dur des relations professionnelles, les rivalités, la solidarité… Face à la personnalité écrasante d’Hicham, le temps de la révolte a sonné pour Mathias, Gabriel et Andréa. La possibilité de faire sécession pour créer sa propre agence est fréquente dans les grandes agences parisiennes.
Les acteurs se prêtent-ils aisément au jeu de l’autodérision ?
Ils s’y prêtent de mieux en mieux, de saison en saison. On est de plus en plus libre. Le succès de la série leur a permis de voir que cela pouvait leur permettre de jouer une partition originale, que c’était amusant de se moquer de soi-même. Ils se sentent décomplexés.
Vous collaborez ?
Les scénarios sont très écrits avant d’être envoyés à nos guest-stars, pour leur montrer que ça va être jubilatoire. Une fois qu’ils manifestent un intérêt, on organise des séances de travail, des lectures, et ils nous livrent des idées, des anecdotes, pour que ce soit encore plus savoureux, plus fou. On peut alors écrire une partition sur mesure. Ce qu’on évite de faire, depuis la saison 2, dans la première phase d’écriture, afin de se protéger en cas de refus. Mais de plus en plus, des acteurs veulent faire partie de la série.
Vous allez quitter la série. Pourquoi ?
J’ai pris cette décision après une réflexion mûrie. Et nous avons organisé avec la production le passage de relais aux auteurs de la série OCS Les Grands, Victor Rodenbach et Vianney Lebasque, qui est aussi réalisateur. Dix pour cent peut avoir une existence propre. J’ai passé six années à travailler exclusivement dessus, à l’accompagner depuis le premier jour de l’écriture jusqu’à la livraison à la chaîne, pour garder une vision d’ensemble, garantir la patte de la série. Un travail génialissime mais dévorant. J’avais besoin d’air, d’aller vers de nouveaux projets, tout en étant extrêmement fière du travail accompli. Ce sont des émotions ambivalentes. Quitter Dix pour cent, c’est comme quitter un homme qu’on a aimé. Mais j’ai confiance en mes successeurs et je ne suis pas loin.
Ont-ils commencé à écrire la saison 4 ?
Depuis juin. Pour tenir le délai de 18 mois, c’est nécessaire de commencer l’écriture quand la saison précédente est en cours de montage.
Quels sont vos projets ?
Tout est en gestation. C’est une période hyper joyeuse, avec plein d’ouvertures et d’envies variées, même si, après plus de dix ans de métier, je commence à trouver ma voix d’auteur. Il y a peu de chances que j’écrive un polar ou un thriller, genre surreprésenté en fiction. J’ai envie de continuer à faire de la comédie, c’est un challenge. Mais cela peut aussi être un drama. Cela me plairait assez d’aller vers des formes moins bavardes, plus austères.