Le succès actuel pourrait mettre Ecolo dans l’embarras en 2019
- Publié le 17-10-2018 à 13h43
- Mis à jour le 19-10-2018 à 15h46
"On constate qu’Écolo joue un rôle de parti pivot qui incombait traditionnellement au PSC/CDH et que l’on pensait plutôt destiné à Défi." L’un des enseignements des élections communales, selon Jean-Benoît Pilet, politologue à l’ULB, c’est le statut enviable de faiseur de majorités dont les verts ont hérité.
La position de pivot implique que la formation concernée, généralement troisième force politique (mais dont le poids est malgré tout significatif), peut s’allier, au choix, à l’un des deux grands partis pour former une coalition. C’est ce qu’a fait le PSC (Parti social-chrétien), puis son héritier le CDH, durant des décennies, en partant le plus souvent avec le PS, parfois avec le MR comme c’est le cas aujourd’hui en Région wallonne.
Dans la foulée des élections locales de dimanche, Écolo a hérité de cette position à Anderlecht, Chastre, Tournai, Grez-Doiceau, Tubize, Ramillies, Gesves… en s’alliant tantôt avec les socialistes, tantôt avec les libéraux. Les verts pourraient aussi en profiter pour monter dans la majorité provinciale à Namur. La tendance est là. Profonde. Mais elle est "conjoncturelle", pas encore structurelle, pense Jean-Benoît Pilet. Écolo la doit, d’une part, à sa stratégie électorale et, d’autre part, au contexte politique.
En ce qui concerne la stratégie, "Écolo a tiré les leçons du début des années 2000 lorsqu’il privilégiait systématiquement une alliance de gauche". C’était l’époque des convergences de gauche "qui ne lui permettaient pas de grandir en allant chercher des électeurs de droite". Aujourd’hui - et ce n’est pas neuf - "il a compris qu’il pouvait aller chercher un électorat sensible aux thèses environnementalistes, ouverts sur les questions culturelles c’est-à-dire sur l’immigration, mais qui est proche du centre droit sur les enjeux socio-économiques. Écolo savait que cet électorat existait dans les zones rurales. Il a compris qu’il se trouve aussi dans les zones urbaines. Quand on voit la performance à Uccle (26,8 %), on ne peut pas dire qu’Écolo est allé récupérer un électorat de gauche…"
La théorie des blocs
Le parti écologiste profite aussi du contexte politique, du positionnement plus ou moins assumé de ses concurrents. C’est la théorie des blocs. D’un côté, le centre droit, avec le MR et le CDH qui disent vouloir continuer à travailler ensemble en Wallonie. De l’autre, le centre gauche du tandem PS-Défi. "Écolo, lui, n’a pas joué dans cette pièce-là, note M. Pilet. Il a mis l’accent sur l’environnement, la mobilité, la santé… Il a évité de parler des coalitions, ce qui n’a fâché ni les électeurs, ni les autres partis. Cette attitude lui a ouvert les portes des négociations, une fois avec le PS, une fois avec le MR. Ce qui n’était pas la position historique d’Écolo…"
Le politologue prédit, à cet égard, un moment de fortes crispations internes lorsqu’il s’agira - peut-être - de décider de monter dans des gouvernements régionaux, à Bruxelles et en Wallonie, après les élections législatives de mai 2019. "Avec une présence dans une soixantaine de majorités communales, il est facile d’admettre que l’on va avec le MR à Uccle ou à Namur, et avec le PS à Tournai ou à Anderlecht. Au final, ça s’équilibre." Lorsque l’on parle de deux exécutifs, l’équilibre est nettement plus difficile à trouver.
"Écolo risque vraiment de se trouver face à une question existentielle. En décidant d’aller dans un camp plutôt que l’autre, il pourrait s’aliéner pas mal de ses électeurs. On l’a vu à Anderlecht où il négociait avec le MR, avant de partir avec le PS. On doit ce revirement en partie à la section locale des écologistes à Anderlecht, ancrée à gauche. Ils comprennent bien qu’on puisse aller avec le MR à Uccle, mais pas dans leur ville, qui est plus paupérisée." On touche là à une difficulté ancestrale du parti consistant à réaliser la synthèse entre ses tendances. Quelle sera la réaction de l’aile centriste s’il s’associe avec le PS, voire le PTB ? Et l’inverse en cas d’alliance avec le MR et le CDH ? "Ça ne sera pas simple à gérer."