Deux sangliers atteints de peste porcine africaine en Belgique : "C'est un problème très sérieux. Une crise"
- Publié le 14-09-2018 à 16h55
- Mis à jour le 15-09-2018 à 08h10
"C'est un problème sérieux. Très sérieux. Très...", que la confirmation des deux cas de sangliers atteints de peste porcine africaine (PPA), trouvés cette semaine dans la forêt d'Etalle en province de Luxembourg. "Nous sommes partis pour une épreuve qui va durer..." Une crise ? "Oui, clairement", n'hésite pas à nous dire Annick Linden, Professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Liège et responsable du réseau de surveillance sanitaire de la faune sauvage. C'est à ce titre que ses assistants ont réalisé l'autopsie des deux sangliers contaminés dont les prélèvements ont été envoyés pour analyse au laboratoire de référence Sciensano à Bruxelles, où ils ont été confirmés positifs au virus de la PPA.
Plusieurs hypothèses sur l'origine
Si la présence du virus mortel ne fait aucun doute, de nombreuses questions subsistent, notamment sur l'origine de la contamination. "A l'heure actuelle, rien ne permet de déterminer l'origine de cette contamination. Vraiment rien, insiste Annick Linden. Il y a plusieurs hypothèses. Etant donné que ce virus survit très longtemps, notamment dans des aliments comme des charcuteries, on pourrait imaginer qu'il s'agit de nourriture qui aurait été jetée sur le bord de la route - par exemple par un camionneur venu d'un pays où il y a de la peste porcine -, et ensuite ingérée par des sangliers. C'est tout à fait plausible et c'est en tout cas une cause qui a été avancée pour les cas détectés en République tchèque, l'an dernier. Une autre possibilité pourrait être l'importation de sangliers venus de l'est. Les prélèvements ADN faits par notre service du Réseau de surveillance sanitaire de la faune sauvage de l'ULg devraient permettre de connaître l'origine des deux sangliers autopsiés. Mais avant de connaître ces résultats, les analyses prioritaires sont virologiques. La recherche ADN devrait être lancée la semaine prochaine, mais nous n'aurons pas les résultats tout de suite".
Pour l'heure, la Faculté de médecine vétérinaire de l'ULg travaille donc en étroite collaboration avec l'Afsca, la Région wallonne et le milieu des chasseurs, lesquels sont d'ailleurs à l'origine du signalement des deux sangliers contaminés. Justement, les chasseurs pourraient-ils être vecteurs du virus, par exemple via du matériel contaminé lors d'une chasse dans un pays infecté? " A priori, je ne vois pas très bien comment, réfléchit Annick Linden, avant de poursuivre. Quoique c'est une hypothèse possible. Cela dit, tout comme l'Afsca, le milieu des chasseurs a très bien communiqué, ces derniers temps, sur les précautions à prendre si l'on part dans les pays à risque".
"Ce qui importe maintenant, c'est gérer le présent"
Quoi qu'il en soit, "pour le moment, ce qui importe, c'est gérer le présent, nous dit encore la scientifique. On s'intéressera à l'origine de la contamination dans un deuxième temps. En ce qui concerne les mesures à prendre à l'heure actuelle pour éviter la propagation du virus, la zone infectée a été déterminée par la Commission européenne. Elle s'étend sur 63000 hectares, centrée sur la commune d'Etalle. Dans cette zone, les autorités régionales vont prendre des mesures drastiques, comme l'interdiction des battues, car il faut stabiliser les populations et éviter à tout prix que les sangliers de la zone infestée ne s'éparpillent. Ne seront permises que les chasses à l'approche et à l'affût des cerfs et des chevreuils. La priorité absolue est de ne pas déranger la population infectée. De plus, dans cette zone, des tirs sanitaires seront effectués sur les animaux qui paraissent affaiblis. Ils seront ensuite analysés. Le deuxième sanglier détecté positif a d'ailleurs été abattu suite à un tir sanitaire, le jeune animal présentant un comportement anormal. Une autre mesure est l'arrêt total du nourrissage."
Enfin, dans les élevages de porcs domestiques également, des mesures drastiques sont prises pour éviter la dissémination du virus.
Depuis plusieurs semaines
Quant à ce que l'on sait aujourd'hui de l'étendue de l'infection, "vu l'état de la carcasse que nous avons reçue lundi et qui était déjà en état de décomposition, il est fort probable que le virus circule dans cette zone depuis plusieurs semaines", nous affirme encore Annick Linden. Ce qui voudrait dire que d'autres animaux sont vraisemblablement touchés ? "Clairement, oui ! A partir de maintenant, tous les animaux abattus lors des tirs sanitaires seront autopsiés par mon service et les prélèvements analysés par le laboratoire de référence. Et ce n'est que peut-être qu'à la fin de la semaine prochaine que nous pourrons éventuellement avoir une première idée de l'ampleur du problème. Mais il est fort probable que l'on trouve encore d'autres animaux infectés. Et de toute façon, nous allons devoir récupérer tous les éventuels cadavres dans la forêt d'Etalle pour les incinérer, car ce virus peut survivre très longtemps dans les milieux extérieurs et donc continuer à contaminer."
Un virus qui survit jusqu'à 1000 jours dans la viande contaminée
La transmission de la peste africaine en Europe peut être directe, de sanglier à sanglier, mais aussi, et beaucoup plus souvent sans doute, indirecte. Que cela vienne d'une carcasse infectée approchée par un autre sanglier, ou d'un objet (bottes, véhicules…). Il s'agit d'un virus très résistant. Dans de la viande salée (salaisons), il peut ainsi survivre 180 jours ; dans de la viande séchée, 300 jours ; dans de la viande congelée, 1000 jours; dans du sang séché, 18 mois ; dans une carcasse, 15 semaines…
Cela dit, heureusement, il n'y a aucun danger pour la santé humaine à ingérer de la viande infectée. Ce virus n'est en effet absolument pas transmissible à l'homme alors qu'en revanche, si un sanglier mange un aliment contaminé, il va attraper la maladie et en mourir.
Si les chasseurs connaissent les mesures à respecter, le message à faire passer auprès du grand public est de ne pas aller se promener dans ces zones afin de ne pas déranger la population de sangliers potentiellement infectés.
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