L’accès public aux sources juridiques entravé
- Publié le 14-11-2018 à 07h58
Pour un juge à la Cour constitutionnelle, l’État ne fait pas son job et c’est un scandale.Pierre Nihoul est juge à la Cour constitutionnelle et ce n’est pas ce qu’on peut appeler un "agitateur". Mardi, quand il a dénoncé le "scandale" que constitue, selon lui, la privatisation de l’accès aux sources juridiques, certains ont fait les yeux ronds.
Il n’a pourtant pas hésité à parler "d’un désinvestissement des autorités publiques qui menace l’égalité des citoyens devant la loi".
Des abonnements hors de prix
Il l’a fait à l’occasion de la présentation, par le Sénat, d’un nouvel outil rassemblant la réglementation institutionnelle en vigueur dans le pays.
"La mise à jour quotidienne de nos législations à la suite de la parution journalière du Moniteur n’est plus assurée suffisamment par les autorités, a scandé M. Nihoul. Certes, il existe des banques de données, au niveau fédéral […], au niveau des entités fédérées également, mais ces banques de données ne sont plus systématiquement mises à jour […] et la seule source, ce sont alors les banques de données privées, de sorte que les maisons d’édition exercent un véritable monopole de fait en la matière.
Ces maisons d’édition renégocient les abonnements à la hausse, passant ainsi pour la Cour constitutionnelle, de 18 000 à 50 000 euros par an. "Et c’est la même chose pour le Conseil d’État et pour le pouvoir judiciaire", a expliqué Pierre Nihoul, pour qui le législateur doit revoir la loi du 4 mai 2016 autorisant la réutilisation à des fins commerciales ou non des informations du secteur public.
Il faut, dit-il, que l’autorité réinvestisse dans ses propres banques de données. Et de saluer l’ouverture au public, par le Sénat, du site https://senlex.senate.be reprenant la réglementation institutionnelle.
La présidente sortante de la Haute assemblée, Christine Defraigne (MR) a, de son côté, estimé que "la libre diffusion de l’information juridique contribue à la primauté du droit et à rendre effectifs les idéaux de démocratie". La future première échevine de Liège a ajouté que l’initiative sénatoriale était une contribution "libérale-sociale" à la lutte contre le désinvestissement public en la matière.