Le Sein De Chair Et Le Sein De Bois Performer(s): Georges Brassens
Après avoir fait son devoir de mère Gorgé de lait notre dernier blanc-bec Ma femme constata, surprise amère Qu'il avait tété la mamelle avec Le cur rongé, c'est le cas de le dire La malheureuse criait comme un putois Le lendemain, pour calmer son délire Je lui fis faire un nouveau sein de bois
Imaginez le trouble qui fut nôtre Quand ma femm' m'ayant demandé: "Dis-moi Quel est le faux" je lui désignai l'autre Le vrai, celui qui n'était pas en bois Ivres de joie, nous ne pouvions comprendre Qu' cett' ressemblance allait nous coûter cher Que nous allions bientôt pâtir de prendre Le sein de bois pour le vrai sein de chair
Une nuit, dans la conjugale couche Tourmenté par le démon de Vénus Je me jetai sur ma femme et, farouche Vous la fis mettre in naturalibus Lui promenant la main sur l'épiderme Je m'écrai, le cur vibrant d'émoi "Oh mon amie, que votre sein est ferme! Ça se comprend, dit-elle, il est en bois"
Comme au cours d'une scène épouvantable Elle m'avait bassement insulté Prenant un kriss qui traînait sur la table J' fis l' simulacre de la poignarder Persuadé qu' c'était son sein postiche Qui allait essuyer le choc du fer J'y vais d'une main ferme et le lui fiche Jusqu'à la garde dans le sein de chair
Un célèbre disciple d'Esculape Lui ayant proprement bouché ce trou En quelques jours ma femme se retape Et reprend son beau rôle de nounou Epouvanté par la frimousse étique Du nourrisson, j'enquête et m'aperçois Que si le pauvre gosse est squelettique C'est qu'ell' lui fait téter le sein de bois
Ce fut l'ultime erreur la plus terrible Au cours d'un hiver extrêmement froid Nous avions brûlé tout le combustible À l'exception du fameux sein de bois Ma pauvre femme alors, la mort dans l'âme Saisit un sein dans son corsage ouvert L'arrache et le jette en pâture aux flammes C'était naturellement le sein de chair...
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