Nort-sur-Erdre (Loire Atlantique), 7 septembre 1987 : un ovni bruyant qui fit pschitt
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Alors que les ovnis étaient (et sont) réputés silencieux, l'annonce, à l'automne 1987, que le bruit d'un tel objet volant non identifié avait été entendu et enregistré fit sensation. Le journal Le Monde du 15 septembre titrait : « Un ovni sur bande magnétique ». Ajoutait au prodige, le fait que le « bruit » semblait un mélange sonore surimposé du ronronnement dun moteur (un ovni doit bien être autopropulsé) et dun message à déchiffrer !
Qui avait réussi ce « deux-coups-en-un » apte à nous rapprocher de lultime confrontation avec les extraterrestres en maraude dans le ciel breton ? Quelque astrophysicien au moyen dune des grandes oreilles du SETI ? Un ufologue chanceux ? Non : un gamin de 10 ans, Laurent X., avec sa radiocassette achetée à Carrefour, depuis la fenêtre de sa chambre à coucher, à Nort-sur-Erdre (Loire Atlantique), un bourg situé quelques kilomètres au nord de Nantes.
LAFP, sétant informée auprès des gendarmes (verdict de ceux-ci : « ça a lair vraisemblable »), répercutait les propos sortis de la bouche même du petit témoin à partir du procès-verbal : « Il était cinq heures (du matin, le 7 septembre), jai entendu du bruit, jai ouvert les volets et enregistré un genre de bip-bip. Je suis resté le temps que ça a duré sur ma fenêtre, enfin
sur le rebord et puis quand la musique sest arrêtée, il y avait encore de la lumière (à xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" />20 mètres) ; elle sest déplacée très lentement, très droit et puis a disparu : ça clignotait, cétait tout orange, ovale presque rond
Jai eu peur, très peur mais je nai pas réveillé mes parents. »
Laurent, au matin, se confia à ses parents lesquels décidèrent den informer Radio France Loire Océan qui, « ne voulant pas garder cela pour nous », téléphona aux gendarmes vers 10 heures le 7 septembre, ce qui eut pour effet de lancer des dépêches et ameuter tous les médias. « Je suis certain que mon fils naffabule pas », avait dit le père aux gendarmes.
Quelques jours plus tard, des copies pirates de lenregistrement circulaient librement et on pouvait entendre le « bruit de lovni » à France Info, France Inter, RTL, Europe 1, RMC, Radio Fun (situant la source aux USA !). « Lassiette anglaise » sur Antenne 2 datait lobservation du 10 septembre
bref, le PAF (paysage audiovisuel français) était secoué par un tohu-bohu de force un.
Or lécoute des 40 secondes denregistrement de Laurent (inséré « par-dessus » la chanson Joe le Taxi de Vanessa Paradis) rappelait furieusement ces modulations bizarres quon pouvait capter sur le poste radio quand par inadvertance on basculait sur les ondes courtes : un signal à cycle répétitif régulier comme du morse. Des « A » en loccurrence
Mais pourquoi donc interdirait-on à un ovni démettre un son du type « tu-tuuu avec des doublets plus courts te-te » (sic) et pourquoi les ET ne tenteraient-ils pas de communiquer en code morse ? Même si leur alphabet semblait singulièrement réduit !
Le GEPAN (sans « I » à lépoque) ne se précipita pas sur les lieux ; le 28 septembre seulement, il préleva des échantillons de végétation et, à son habitude, récupéra la cassette originale avec lenregistrement, pour faire des analyses.
Cest là quà linstar dun auteur dénigmes policières, je peux vous dire que vous avez en mains tous les éléments pour résoudre lénigme.
Mais la vérité a souvent du mal à sexposer lorsquelle met en évidence les travers de lemballement médiatique autour de tout ce qui peut apporter quelque sensationnalisme aux nouvelles lénifiantes dune fin dété en manque de scoops.
Et puis, il faut bien reconnaître quen matière dovni, tout nest jamais simple et que même derrière lévidence persistent des interrogations.
Comme cest malheureusement trop souvent le cas, après la tempête médiatique suscitée par lannonce de lenregistrement en Bretagne du « bruit » dun ovni en septembre 1987, très peu de médias répercutèrent les conclusions du G.E.P.S.I. (Groupe dEtudes des Phénomènes Spatiaux Inexpliqués) aidé par le laboratoire dacoustique de luniversité de Provence ; tel quexposé dans la revue Ovni-Présence de février et août 1988, « il existe une infinité de transmissions en morse en provenance du monde entier, susceptibles dêtre captées sur un simple récepteur équipé des ondes courtes » (telle que la séquence sonore de 40 secondes trouvée sur la radiocassette du petit Laurent X, unique « témoin » de cette affaire, en loccurrence) : celles des « radiobalises ».
Pour le bruit de fond rappelant celui dun rotor dhélicoptère, la confusion est facile avec lémission dun radar soviétique installé en Roumanie dit « trans-horizon » et nommé « woodpecker » (pivert, oiseau qui frappe les troncs darbres avec son bec) par les radioamateurs, audible sur plusieurs fréquences à cause des harmoniques, et venant se superposer à divers autres signaux. Ainsi, six mois après les faits, lenregistrement navait plus rien dextraordinaire ; quant à lovni
Laurent apparaissait bientôt comme un petit farceur dépassé par les événements. Pourtant, 18 ans après, en décembre 2006, la revue Inforespace (de la SOBEPS = Société Belge des Phénomènes Spatiaux) publiait, à propos de lénigme de Nort-sur-Erdre, une étude de 22 pages du professeur Auguste Meessens, un physicien de lUniversité Catholique de Louvain, héros de la vague belge de 1989-90.
Par delà une violente diatribe contre les sceptiques et leurs méthodes diffamatoires, notamment dirigées contre son « auguste » personne, dans un texte délayé à la sauce bilieuse, lauteur révélait enfin deux éléments essentiels ; tout dabord, les résultats de lanalyse du GEPAN, lesquels, dès 1991 (aucun des organes de presse parlée ou écrite cités ci-dessus nen a parlé !), établissant que « lenfant avait triché ». En effet, lexpertise de la bande magnétique avait montré que le son provenait, non pas dune source extérieure, mais avait été capté « en interne » sur le « mode radio » de lenregistreur et pas sur le « mode micro » ! Ensuite, dans un paragraphe quasiment honteusement inséré, le professeur Meessens avouait ni plus ni moins quen novembre 2005, Laurent, lui avait avoué par téléphone que son histoire nétait pas vraie. Il sexcusait même, non pas pour le préjudice « ufologique », ce qui aurait été la moindre des choses, mais pour les coups reçus par le professeur dans cette affaire !! Magnanime, ce dernier accordait son pardon au petit devenu grand et parlait de Laurent comme dune victime de laffaire plutôt que comme un imposteur, ce quil était vraiment. Quelle indulgence !
Sur le fond, la contribution du physicien belge visait à démontrer quun bruit analogue à celui enregistré par Laurent aurait pu provenir, « au moins en principe » dun dovni si lon en croit ce quon en sait (coque à plaque mince, très solide, mais élastique !) ; en logique scientifique, on appelle cela un raisonnement « tautologique » ; mais surtout cétait loccasion pour lui de régler ses comptes avec ceux qui avaient osé critiquer ses travaux quand il sétait attaqué de son côté bien naïvement au décorticage du salmigondis sonore écouté puis immortalisé par Laurent entre deux couplets de la chanson Joe-le-taxi.
Une histoire à oublier, malheureusement, sauf pour être plus prudent, au cas où quelque chose dapprochant resurgirait. Lufologie na rien à gagner là dedans.
Références :
1/ Michel Granger, Quand un ovni faisait grand bruit, DIMANCHE Saône & Loire, 2 mars 2008.
2/ Michel Granger, Ovni bruyant de 1987 qui fait pschitt ibid., 9 mars 2008.
Michel GRANGER
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