1986, année Félix Timmermansxml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" />
bron: Septentrion. Jaargang 15. Stichting Ons Erfdeel, Rekkem 1986
door Luc Decorte
Le 28 janvier 1947, Félix Timmermans, auteur, dessinateur et peintre flamand, décédé à l'âge de soixante ans, fut enterré au cimetière de Kloosterheide, à Lierre, dans la froide indifférence d'un hiver rigoureux et des suites de la deuxième guerre mondiale. En effet, les dernières années de la vie de Timmermans furent assombries par la maladie et la mésestime.
Le 5 juillet 1986, il y aura cent ans que Leopold Maximiliaan Félix Timmermans, treizième enfant de Gommaar, un enjoué commerçant en dentelles, et de la mélancolique Angelina van Nueten, vit le jour dans la joyeuse ville de Lierre, ou trois Nètes serpentantes forment un noeud d'argent. Ce centenaire sert de prétexte à l'organisation d'un vaste éventail d'activités. Dommage que Fé - comme il se plaisait à s'appeler - ne puisse plus être de la partie. S'il avait pu, il y a quelques mois, voir couvrir sa tombe de fleurs en présence de centaines d'amis et d'admirateurs et de représentants de l'administration municipale, il se serait rendu compte que les temps ont changé, et cela lui aurait réchauffé le cur.
On prépare l'émission d'un timbre-poste à l'effigie de Félix Timmermans. Le film réalisé par Roland Verhavert en 1975 d'après le roman Pallieter est remis en circulation. Une statue représentant ce héros populaire a été inaugurée. Des professeurs et des spécialistes donnent des conférences sur la vie et l'uvre - traduite en quelque vingt-cinq langues - de Timmermans, en se rappelant que l'auteur a dû en faire très souvent pour gagner sa vie, tant dans le domaine linguistique néerlandais qu'à l'étranger, plus spécialement en Allemagne, où il connut un succès considérable grâce à l'intérêt que lui témoignait le directeur de la maison d'édition Insel-Verlag.
Des expositions sont consacrées à ses manuscrits littéraires et à son uvre graphique (aquarelles, peintures à l'huile, etc.), intimement liés. Non content d'illustrer pratiquement tous ses livres, Timmermans dessinait beaucoup, par exemple dans le train, lors de ses tournées de conférences, qui le conduisaient jusqu'en Pologne et en Hongrie. Pour lui, écrire, c'était aller à confesse, et dessiner, c'était recevoir la communion. En d'autres termes, l'écriture était, pour lui aussi, un véritable labeur: récrire et raturer, toujours recommencer; le dessin était une véritable détente.
Mais en cette année de commémoration, c'est avant tout l'uvre variée et éclectique de Felix Timmermans qui mérite de retenir notre attention. Ma préférence va à Het kindeken Jezus in Vlaanderen (1917; L'enfant Jésus en Flandre, traduit par Neel Doff, 1925). A l'approche de Noël, je fais toujours cadeau d'un fragment de ce texte à mes étudiant(e)s, dans l'espoir de contrebalancer quelque peu tout l'éclat de lumière, de luxe et de consommation qui entoure la commémoration de la naissance du Christ. Puis, il y a le récit Ik zag Cecilia komen (Je vis venir Cécilia, 1938) sur Cécilia qui vient au bord de l'eau, des fleurs dans les cheveux et dans les mains. Et aussi les histoires de Pieter Brueghel (1928; traduction française de Nelly Weinstein, 1938) et d'Adriaan Brouwer (1948), qui, à la veille de sa mort, n'avait comme unique souhait que de pouvoir s'éteindre en tenant la main de son Isabelle chérie... Ne l'oublions pas, Timmermans est notre écrivain-peintre: son style est très caractéristique, directement reconnaissable, très fécond en images nées d'une déferlante sensualité. Chez lui aussi, comme chez ses modèles des seizième et dix-septième siècles, la réalité plus profonde, et souvent tragique, se dissimule derrière les apparences anecdotiques hautes en couleur.
Enfin, il y a, évidemment, les deux romans généralement reconnus comme des chefs-d'uvre. Pallieter (1916; traduction française de Bob Claessens, 1923) est un hymne triomphal à la vie et à la nature, avec lequel l'auteur attira l'attention dans les années sombres de la première guerre mondiale, d'abord aux Pays-Bas, où le livre parut sous forme de feuilleton dans la revue De Nieuwe Gids (Le nouveau guide). Boerenpsalm (1935; Psaume paysan, traduit par Betty Colin, 1942) constitue une ode à l'homme symbolisé dans la figure de Wortel (Racine), qui, grâce à sa foi naïve et simple, à son humour populaire empreint de sens de la relativité et à son indéfectible amour de la terre et de la famille, parvient à surmonter les difficultés variées auxquelles il a à faire face en tant que paysan, mari et père.
Félix Timmermans a, certes, conquis d'un seul coup la célébrité avec son livre consacré à Pallieter, ce bon vivant qui met la nature et l'homme au-dessus des valeurs commerciales et matérielles qui pervertissent tout. Je lui préfère cependant le livre émouvant qu'est Psaume paysan, parce que le personnage poignant qu'est le paysan Racine me permet de m'approcher davantage de l'être exceptionnel que fut cet auteur modeste, familial et d'une piété profonde. Timmermans ne fut-il pas le chantre de saint François dans De harp van Sint-Franciscus (1932; La harpe de saint François, traduit par Camille Melloy, 1935), le premier président de l'association des Scriptores Catholici (écrivains catholiques) et le poète d'Adagio (1947), recueil de lyrisme religieux qui témoigne - après la poésie du prêtre et poète Guido Gezelle - d'une grande intériorité existentielle?
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